DES PME CRAIGNENT D’êTRE éCLIPSéES PAR HYDRO-QUéBEC

Des fois, le courant est trop fort. La mise en marché d’une solution pour brancher les bornes pour véhicules électriques des immeubles multilogements, la semaine dernière, par une filiale d’Hydro-Québec, jette de l’ombre sur des PME québécoises qui redoutent cette nouvelle concurrence.

Axso, détenue à hauteur de 97 % par Hydro-Québec, a lancé à la mi-avril Eddie, un système logiciel de gestion de la recharge des véhicules électriques conçu exprès pour démêler les situations complexes des immeubles multilogements. Comme l’explique Axso, les véhicules électriques sont parfois branchés jusqu’à 12 heures par jour, inutilisés, alors que leur recharge, elle, se fait en 2 ou 3 heures seulement. Il y a donc moyen d’optimiser le temps de recharge pour qu’elle ait lieu hors des fameuses heures de pointe durant lesquelles la demande électrique est déjà au sommet.

Les immeubles multilogements, dans lesquels vivent plus du tiers des Québécois, ne sont pas tous reliés de la même façon au réseau d’Hydro-Québec. Certains immeubles ont un compteur individuel pour chaque logement, alors que d’autres ont un seul compteur pour l’ensemble du bâtiment. Dans les deux cas, associer le bon véhicule au bon résident est un petit casse-tête qui demande une solution, qui peut être logicielle ou matérielle.

Pour aider les gestionnaires de copropriétés et les locataires à s’y retrouver, Axso a mis au point une application logicielle qui départage tout ça. Eddie donne même un aperçu en temps réel et à distance à ses utilisateurs de l’utilisation des bornes connectées à sa plateforme. En fin de compte, chaque résident paie ce qu’il a consommé. L’application mobile d’Eddie peut aussi être utilisée avec le réseau de bornes publiques du Circuit électrique, également géré par Hydro-Québec.

Alexandre Bérubé, le p.-d.g. d’Axso, évoque, par communiqué, une « technologie unique, conçue et développée ici au Québec, qui surmonte le défi de l’accessibilité aux bornes de recharge dans les multilogements ». Cette solution « transformera le marché de la recharge en Amérique du Nord », ajoute-t-il.

Une technologie de plus

Eddie n’est pas la seule solution en son genre au pays. D’abord, Hydro-Québec avait en tête de produire une application logicielle à peu près semblable à celle d’autres exploitants de réseaux de bornes à la fois privées (résidentielles ou commerciales) et publiques, comme celle du fabricant californien ChargePoint.

Ensuite, au moins trois entreprises québécoises se spécialisent depuis quelques années déjà dans le développement de solutions de branchement pour véhicules électriques destinées aux immeubles multilogements.

Elmec, de Shawinigan, est un des principaux fabricants de bornes au Canada. Il compte parmi sa gamme au moins un modèle conçu exprès pour les immeubles multilogements et les copropriétés.

Établie à Laval et à Toronto, Fusion Énergie a pour sa part conçu une plateforme d’optimisation de la recharge des véhicules électriques comparable à celle d’Axso, qui est elle aussi destinée à un usage dans des immeubles multilogements ou commerciaux. Sa technologie est présente dans 300 logements, dont plusieurs hôtels et des tours de copropriétés du Grand Montréal.

RVE, également de Laval, a mis au point une solution matérielle conçue pour les immeubles où chaque logement a son propre compteur électrique. Elle permet d’attribuer une borne à un compteur. Elle permet aussi d’en optimiser la consommation d’énergie en fonction de la tarification et de l’utilisation d’autres appareils énergivores, comme une sécheuse à linge. RVE est présente dans 2000 immeubles au Québec, et estime que sa technologie peut être utilisée dans « 80 % de tous les immeubles multilogements de la province ».

RVE a d’ailleurs reçu en novembre dernier 7 millions du gouvernement du Québec, d’Investissement Québec, de Fondaction et d’Exportation et développement Canada (EDC) pour prendre de l’expansion au Québec et ailleurs en Amérique du Nord.

Plus de collaboration

Chez RVE, on aurait aimé qu’Hydro-Québec fasse preuve d’un peu plus de collaboration avec les entreprises qui, comme elle, risquent de subir l’effet négatif de son arrivée dans un marché très semblable au leur. « On reçoit déjà des appels de clients qui mettent leur projet [d’installer des bornes de recharge] sur pause, le temps de réfléchir », explique au Devoir David Corbeil, cofondateur et p.-d.g. de RVE.

En principe, la technologie d’Axso n’entre pas directement en concurrence avec celle de RVE. Mais la PME lavalloise ne demande qu’à être rassurée, et souhaite que sa croissance ne soit pas amputée par l’arrivée d’une filiale de la société d’État dans son créneau.

« Les deux technologies sont complémentaires, et si c’est seulement complémentaire, c’est une bonne nouvelle. Le marché des immeubles multilogements est encore émergent, dit David Corbeil. Mais Eddie pourrait venir couvrir une partie de ce qu’on fait. Et si elle le fait, on ne pourra jamais jouer à armes égales contre Hydro-Québec. »

Du côté d’Hydro-Québec, on se fait rassurant. Après tout, le marché est encore jeune, explique son porte-parole, Louis-Olivier Batty. « Le but d’Axso est de produire une solution la plus ouverte possible. On comprend qu’il existe d’autres solutions, mais notre but est de répondre à un besoin grandissant et d’intégrer n’importe quelle borne, à long terme, pour leur donner accès à la tarification dynamique et à un tarif avantageux hors pointe. »

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